Hazel est née en captivité au sein d'un "élevage". Comme le marché aux hybrides regorge de nouveautés, certaines personnes se sont spécialisées dans l'élevage. Il suffit pour cela de posséder deux beaux hybrides, un mâle et une femelle, et de les faire se reproduire ensemble. Le résultat doit, normalement, être un beau bébé pure race qui se revendra très cher. Dans le cas de notre demoiselle, ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé. Le propriétaire avait dans l'idée d'avoir une jolie petite fille avec des oreilles et une queue d'écureuil, jolie comme un cœur et qu'il pourrait revendre à un bon prix à une animalerie. Au lieu de cela, il eut une petite blonde à l'apparence très humaine. Grosse déception pour l'homme qui se résigna à revoir ses espérances à la baisse. Il se chargea de l'éducation de la petite fille. Plutôt bien traitée, Hazel vivait avec ses parents dans une sorte de petite dépendance à côté de la maison de son maître. On remarqua bien vite son tempérament agité et le propriétaire refusait de la voir bondir sur ses canapé, mettre ses longs cheveux partout et abîmer ses bibelots précieux, aussi n'avait-elle le droit d'aller que dans le jardin et sa maison. Une hybride au service du maître se chargeait de lui enseigner tout ce qu'une bonne servante doit faire, comment parler et se tenir, les manières à avoir en société ainsi que la cuisine, le ménage, la couture et une pléthore d'autres compétences pratiques pour tenir un intérieur à la perfection. La petite n'était pas de mauvaise volonté et apprenait vite, mais son agitation permanente rendait difficiles les longues leçons et elle ne parvint jamais à atteindre le degré de perfection auquel son maître voulait l'élever.

A ses 10 ans, on se décida à lui couper les cheveux. Elle avait toujours été très contrariée de cette idée, mais la longueur interminable de sa chevelure rendait désormais l'opération indispensable. Malgré ses pleurs et ses cris, on parvint à lui faire une jolie coupe au carré qui lui allait à ravir. Mais l'effet secondaire de cette séance chez le coiffeur fut assez inhabituelle et provoqua des douleurs dans le bas du dos de la petite fille. Le maître, qui jusque là ne comprenait pas en quoi elle était hybride et qui la considérait comme un ratage total, fit appeler un spécialiste qui étudia l'enfant sous toutes les coutures. Il fit son rapport rapidement après une radiologie complète:

« La génétique est quelque chose de très mystérieux, encore plus chez les hybrides que chez les humains. Je n'ai pas d'explication à vous fournir sur le phénomène, mais je peux vous dire ce qui lui arrive : une queue est en train de lui pousser. Peut-être qu'il y a un lien avec la contrariété que la coupe de ses cheveux à généré ? »

Le propriétaire de l'hybride fut incroyablement soulagé de cette découverte. Ses espoirs n'étaient pas tous envolés, il pouvait encore revendre cette enfant à un très bon prix ! Il suffit de six mois pour que la queue d'Hazel pousse totalement, une jolie queue d'écureuil couverte d'une fourrure grise très douce. Cette découverte tardive d'une partie de son corps perturba l'enfant qui décida bien vite de cacher cette protubérance soyeuse sous un jupon. Elle se consola de cette transformation en en voyant ses cheveux repousser eux aussi.

A ses 18 ans, la jeune fille dut se séparer définitivement de ses parents. Elle était devenue belle comme le jour et capable de satisfaire les exigences d'un maître, son prix de vente était au plus fort. Les adieux furent bref car anticipés depuis longtemps. Elle reçu la promesse discrète de sa mère de recevoir des nouvelles régulièrement pour garder le contact, ce qui lui mit du baume au cœur. Le maître la mit dans une voiture avec simplement deux robes entre les mains et un collier doré. Il était parvenu à un accord avec le propriétaire d'une grande animalerie dans un centre commerciale huppé. L'hybride serait bien traitée et vendue à bon prix, la moitié des bénéfices reviendraient à l'éleveur. C'est ainsi qu'Hazel passa de sa maison douillette à une grande cage dorée dans la vitrine d'une boutique au deuxième étage d'un grand centre commercial.

Cela fait désormais deux ans qu'elle vit dans son petit espace. Elle a fait de ses cinq mètres carrés son chez elle, ne s'occupe plus du regard des clients qui passent devant la vitrine et fait de l'exercice comme elle peut dans un si petit espace. La dernière nouveauté dans sa cage : une balançoire à oiseau adaptée à sa taille sur laquelle elle peut s’asseoir et faire de l'exercice. Elle attend de plus en plus le jour où elle quittera sa cage.

C'est quelqu'un de normal ! Après tout, les humains ont des gênes en commun avec le dauphin, le chimpanzé et le cochon. Alors pourquoi ne pas ajouter du chat ou de l'écureuil, hein ? Pouvoir voir dans le noir ou respirer sous l'eau ne rend pas plus bête.